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Le mystérieux rôle d’un gène dans la maladie de Parkinson, la maladie de Crohn et la lèpre se révèle peu à peu

Une étude sur le gène LRRK2 menée sur des souris pourrait mener à de nouveaux traitements et moyens de prévention

le 25 septembre 2019

Le lien entre la maladie de Parkinson, la maladie de Crohn et la lèpre pourrait donc résider dans l’intensification d’une réaction inflammatoire. Ce sont sept équipes de recherche provenant de cinq établissements canadiens qui ont contribué à cette découverte. Quelques membres de l’équipe du laboratoire Schlossmacher (en sens horaire à partir de l’arrière gauche) : le Dr Michael Schlossmacher, Bojan Shutinoski, Ph.D., Quinton Hake-Volling, Julianna Tomlinson, Ph.D., et Nathalie Lengacher.Depuis des années, les chercheurs s’efforcent de comprendre comment les mutations d’un gène appelé LRRK2 peuvent accroître le risque de développer trois maladies très différentes : la maladie de Parkinson (qui touche le cerveau), la maladie de Crohn (qui touche les intestins) et la lèpre (qui touche le système nerveux périphérique). Récemment, une équipe de chercheurs canadiens a constaté que l’inflammation est probablement la coupable. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Science Translational Medicine.

L’inflammation, qui se manifeste par de l’enflure, des rougeurs, une sensation de chaleur et de la douleur, est le premier moyen de défense de notre corps contre les virus, les bactéries et les blessures. Mais lorsque l’inflammation est trop forte ou dure trop longtemps, elle peut causer d’autres dommages au corps.

« Tout le monde croyait que le gène LRRK2 agissait principalement sur le cerveau, en raison de son association avec la maladie de Parkinson. Mais nos recherches ont démontré pour la première fois que ce gène agirait principalement sur le système immunitaire », explique le Dr Michael Schlossmacher, auteur principal de l’étude. Le Dr Schlossmacher est titulaire de la Chaire de recherche Bhargava sur la neurodégénérescence, directeur du Programme de neuroscience et neurologue à L’Hôpital d’Ottawa. Il est également professeur à l’Institut de recherche sur le cerveau de l’Université d’Ottawa.

« Selon nos recherches, certaines mutations du gène LRRK2 accentuent l’inflammation et aident le corps à mieux se défendre contre les virus et les bactéries. Toutefois, cette réaction plus intense pourrait aussi faire augmenter le risque de développer la maladie de Parkinson et d’autres maladies du cerveau », ajoute le Dr Schlossmacher.

Le gène LRRK2 protège contre les infections

Environ 2 % des personnes atteintes de la maladie de Parkinson sont porteuses d’une mutation du gène LRRK2. C’est donc le deuxième gène le plus communément associé à cette maladie. Les chercheurs ont étudié une mutation précise appelée LRRK2 p.G2019S, qui accroît l’activité de la protéine LRRK2, pour constater que chez les souris porteuses, la réaction inflammatoire aux bactéries (salmonelle) et aux virus (réovirus) était plus forte. Curieusement, ils ont aussi découvert que cette réaction inflammatoire pouvait s’étendre jusqu’au cerveau – même si l’infection elle-même ne l’avait jamais atteint. Les chercheurs se sont intéressés à plusieurs marqueurs de l’inflammation, notamment le stress oxydatif.

« Lorsque des souris porteuses de la mutation associée à la maladie de Parkinson étaient infectées par la bactérie salmonelle, nous avons observé des niveaux très élevés de stress oxydatif dans le cerveau, c’est-à-dire presque deux fois plus élevés que chez les souris normales », indique Bojan Shutinoski, Ph.D., premier auteur de l’étude et associé de recherche à L’Hôpital d’Ottawa. « C’était particulièrement surprenant, car la bactérie ne s’est jamais retrouvée dans leur système nerveux! »

Les chercheurs ont également constaté que les souris porteuses de cette même mutation du gène LRRK2 luttaient mieux contre les infections que les souris normales, tandis que les défenses des souris qui n’avaient aucune forme du gène LRRK2 étaient moins efficaces.

L’équipe a fait une autre observation intéressante : l’effet inflammatoire du gène LRRK2 était plus marqué chez les souris femelles que chez les mâles, ce qui reflète les données cliniques sur les patients porteurs de mutations du gène LRRK2.

L’étude appuie une théorie selon laquelle la maladie de Parkinson pourrait prendre naissance ailleurs que dans le cerveau

Cette nouvelle étude vient étayer une théorie avancée en 2003 par des chercheurs allemands, selon laquelle la maladie de Parkinson pourrait prendre naissance ailleurs que dans le cerveau, dans des organes comme le nez et les intestins, qui sont notre première ligne de défense contre les microbes et par conséquent, des foyers d’inflammation.

« Si cette théorie au sujet du gène LRRK2 est juste, les infections pourraient devenir un facteur de risque clé à surveiller pour prédire, prévenir et déceler de façon précoce la maladie de Parkinson. Cela pourrait aussi ouvrir la voie à de nouvelles approches thérapeutiques en général », souligne le Dr Schlossmacher.

D’autres travaux soutiennent cette théorie, comme des études sur la santé des populations qui ont révélé des liens entre la maladie de Parkinson et certaines maladies inflammatoires touchant d’autres organes. Par exemple, les personnes atteintes de la maladie de Crohn – une maladie inflammatoire des intestins – présentent un risque accru de développer la maladie de Parkinson, mais s’ils reçoivent un traitement avec un puissant médicament anti-inflammatoire, ce risque accru est éliminé.

« Cette théorie n’a pas encore été prouvée, mais je crois que nous avons maintenant des éléments de preuve très convaincants, obtenus autant en laboratoire que dans le cadre d’études sur les humains », affirme Earl Brown, Ph.D., co-auteur de l’étude, professeur émérite et expert en virus de l’Université d’Ottawa, qui collabore avec l’équipe depuis 2013.

Des répercussions sur les essais cliniques

L’étude a également des répercussions sur les essais cliniques en cours portant sur des médicaments contre la maladie de Parkinson qui bloquent l’activité du gène LRRK2.

« Notre étude semble montrer que ces médicaments pourraient être efficaces pour atténuer l’inflammation excessive, indique le M. Shutinoski. Cependant, il faudrait faire attention pour ne pas supprimer complètement la fonction de ce gène, puisque cela pourrait rendre les gens plus vulnérables aux infections, surtout en sachant qu’ils sont traités pendant des années. »

Un lien avec la lèpre

Les mutations du gène LRRK2 sont aussi associées à la lèpre, une maladie infectieuse chronique caractérisée par des lésions touchant les terminaisons nerveuses de la peau. On croit que le gène LRRK2 serait lié à une réaction inflammatoire excessive qui se produit lorsqu’un certain type de mycobactérie attaque les nerfs périphériques.

« Ces recherches qui démontrent que le gène LRRK2 accentue l’inflammation cadrent bien avec l’idée que la réaction inflammatoire du corps serait l’élément le plus nuisible dans la pathogenèse de la lèpre », souligne Erwin Schurr, Ph.D., scientifique principal à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et membre de l’équipe de recherche.

La clé : une démarche d’équipe

« Ces découvertes ont été possibles grâce à une collaboration très franche entre sept équipes de chercheurs provenant de cinq établissements canadiens, ce qui est remarquable, souligne le Dr Schlossmacher. Nous sommes extrêmement reconnaissants envers tous nos collaborateurs et bailleurs de fonds ».

Parmi les chercheurs principaux de l’équipe CLINT (Canadian LRRK2 in INflammation Team) notons les personnes suivantes : Le Dr M. Schlossmacher (L’Hôpital d’Ottawa, Université d’Ottawa), D. Park (auparavant à l’Université d’Ottawa et maintenant à Hotchkiss Brain Institute), D. Gibbings (Université d’Ottawa), S. Hayley (Université Carleton), D. Philpott (Université de Toronto), J.D. Rioux (Université de Montréal) et E. Schurr (Université McGill). M. E. Brown (Université d’Ottawa) est également membre de l’équipe.

De 2014 à 2019, l’équipe CLINT a été financée par une subvention d’équipe des Instituts de recherche en santé du Canada. Les travaux ayant donné ces nouveaux résultats ont aussi été financés par le Consortium pour la recherche sur le Parkinson, le Programme des chaires de recherche du Canada, le CRSNG, la Michael J. Fox Foundation for Parkinson’s Research, la Fondation de l’Hôpital d’Ottawa, la famille d’Uttra et de Sam Bhargava, le Département de médecine de L’Hôpital d’Ottawa et l’Institut de recherche sur le cerveau de l’Université d’Ottawa.

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